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jeudi 13 juin 2013

Ne supprimez pas le bac!



Réponse à l’article des Échos du 13 juin 2013 appelant à la suppression du baccalauréat

Messieurs les beaux esprits, vous qui avez déjà supprimé l’examen d’entrée en sixième permettant ainsi à des enfants qui ne savaient ni lire ni écrire d’entrer au collège, que vous avez voulu unique, vous voici maintenant à l’assaut du dernier bastion de la méritocratie républicaine, le baccalauréat !

Comme ils sont beaux vos arguments ! Vous nous dites que cet examen n’a plus de sens parce que plus de 85 % des élèves l’obtiennent, alors que c’est vous qui, délibérément, avez dénaturé cet examen, en avez abaissé le niveau au point qu’aujourd’hui rares sont les élèves qui, le baccalauréat en poche seraient capables de réussir le certificat d’étude d’hier.
On voit bien la la philosophie qui prévaut à votre pseudo raisonnement, c’est celle de toutes les bourgeoisies à travers l’histoire, et la votre ne fait exception. Vous voulez perpétuer et accroître vos privilèges sociaux en confisquant le savoir et en créant une sous-culture que le système scolaire sera chargé de propager. Pour cela, vous avez mis en place un vaste programme d’abaissement systématique du niveau des études en France. Et vous y parvenez. Chaque année le classement mondial de la France s’enfonce un petit peu plus dans les abîmes et chaque année vous y allez de votre petite proposition qui encore et encore transforme nos élèves en cancres et assure aux vôtres une réussite sociale qu’en bons bourgeois vous ne souhaitez pas partager.

Caressant dans le sens du poil la caste des enseignants, vous avez établi dans les écoles primaires une idéologie du pédagogisme qui, de méthode globale en enseignement par le jeu, a réussi en une génération à détruire plusieurs centaines d’années de travail de l’enseignement catholique, d’abord, puis de l’école républicaine ensuite. Voici que l’école dont la vocation première était de bâtir des êtres instruits, sachant lire et écrire, sachant compter, ayant soif de savoir, de s’élever, de progresser, ayant appris les règles sociales et leur respect, bref des hommes libres, s’est transformée sous votre despotisme en fabrique de bons petits citoyens soumis et obéissants, d’autant plus obéissants qu’incultes.
Pervers, vous avez supprimé les redoublements, caressant ainsi dans le sens du poil les parents pour qui le redoublement d’un enfant est souvent vécu comme un échec personnel. Alors les élèves qui, une année ou une autre, quelquefois pour des raisons extra scolaires ou de santé, font une mauvaise scolarité se retrouvent l’an suivant perdus car n’ayant pas les bases nécessaires pour pouvoir suivre. D’année en année le retard s’accumule et ces enfants, qui auraient pu être sauvés si on leur avait donné la chance de recommencer l’année ratée, se retrouvent avec un tel retard qu’ils sont définitivement condamnés.
Pour couronner tout cela, vous avez supprimé l’examen d’entrée en sixième et décidé que les enseignants du primaire seraient seuls habilités à juger si un enfant est apte ou non à entrer au collège. Comment un instituteur, pardon, un "professeur des écoles", peut il être juge et partie? Le résultat de votre magnifique politique est qu’aujourd’hui les professeurs de secondaire se retrouvent avec des élèves qui ne savent ni le français ni l’arithmétique et qu’ils doivent durant l’année de sixième pallier aux déficiences de l’enseignement primaire.

Forts de votre réussite dans la destruction de l’école primaire, vous n’avez pas hésité à vous en prendre au secondaire. En instaurant le collège unique, vous avez procédé par nivellement, nivellement par le bas, bien sûr. Là encore, instaurant des méthodes d’éducation inefficaces et démagogiques, réorientant les programmes autour d’une volonté idéologique, vous avez petit à petit dévalorisé les notes, supprimé les classements, appauvri les programmes. Il ne se passe d’année sans que vous nous vantiez les mérites de la suppression du redoublement ou de la suppression des notes. Laminée vers le bas, intellectuellement appauvrie, amputée de tout esprit et de toute volonté de réussite, de dépassement de soi, la majorité des jeunes sortant du système scolaire français se rue dans les bras de l’État-providence pour y quémander quelque aide et subside.

Ceux dont les parents sont conscients de l’idéologie sous-jacente à ce sous- système scolaire, en particulier la caste professorale, apportent à l’extérieur de l’école le complément nécessaire à la réussite de leurs enfants. Un grand nombre de parents, pas forcément conscients du complot politique dont vous êtes les complices et promoteurs, se saignent aux quatre veines pour payer des cours privés, pensant bien souvent que cet effort financier suffira à pallier aux déficiences du système. Bien sûr il est rare que cela fonctionne car le fondement du dysfonctionnement vient de ce que la logique comportementale du personnel enseignant dans les établissements incite non à l’effort et à la réussite, mais au laisser-aller et la négligence. Là où hier l’enseignant disait à un élève de travailler par lui même, de faire tous les exercices du livre, de s’améliorer, de se perfectionner, de se surpasser,  ce même enseignant explique aujourd’hui qu’il ne faut pas travailler pendant les vacances scolaires et que le rôle des parents n’est pas de surveiller ce que font leurs enfants à l’école. Dès lors, par manipulation, le système pédagogique annihile toute volonté, incite à la paresse, faisant de la médiocrité la norme. Les cours supplémentaires payées à grands frais par des parents affolés de voir le niveau scolaire de leurs enfants ne peuvent pas grand-chose face à ce lavage de cerveaux. Bien sûr, il y a les parents qui sont parfaitement conscients de la manipulation et qui savent ou qui peuvent, parce qu’ils en ont les moyens financiers, l’éviter à leurs enfants. Ceux la les scolarisent à domicile ou dans des écoles hors contrat qui prennent soin d’appliquer des méthodes pédagogiques éprouvées, efficaces, d’inculquer des valeurs et une rigueur de travail dans le simple but d’instruire, de former l’esprit critique et l’épanouissement des élèves.

Dès lors nous sommes bien dans un système scolaire à deux vitesses. Il y a ceux qui savent et qui peuvent, il y a ceux qui ignorent ou qui subodorent mais qui ne peuvent pas faire autrement que de subir l’idéologie bourgeoise dominante. Ces derniers se rassurent comme ils peuvent en se disant que c’est pour « tout le monde pareil». Or, nous le savons bien, vous et moi, que ce n’est pas « pour tout le monde pareil».
Demain, aux postes de commande, qui retrouverons nous, si ce ne sont les enfants que ceux qui s’y trouvent aujourd’hui? Pas tant parce qu’ils auront hérité de telle ou telle fortune, ni parce qu’ils auront bénéficié de passe-droits, bien illusoires dans une société mondialisée, mais parce qu’ils auront suivi les bons cursus scolaires, c’est à dire pas ceux du système officiel.

Votre proposition de suppression du baccalauréat après en avoir fait le diplôme de fin d’études secondaires le plus minable et le plus dénaturé qui soit, n’est qu’une étape de plus vers la destruction du système scolaire français. En proposant votre contrôle continu, vous instaurez au système secondaire le principe débile et abêtissant que vous avez mis en place dans le système primaire évoqué plus haut. Vous demandez aux enseignants d’être à la fois juge et partie. Comment voulez-vous que les enseignants puissent déjuger leur travail en ayant un taux d’échec trop important dans le passage au cycle supérieur ? C’est inimaginable et vous le savez. Les enseignants feront toujours en sorte d’avoir un taux de réussite extra ordinaire preuve, pour eux, de la pertinence de leur travail. Ils savent très bien que personne n’ira chercher la vérité ni creuser pour savoir où elle se trouve.
Alors il y aura encore ceux qui ne savent pas ou qui ne peuvent pas et qui vont à l’université parce qu’avec leur diplôme de fin d’études secondaires ils pourront y avoir accès. Et les profs d’université passeront la première année d’enseignement supérieur à pallier aux déficiences du cycle secondaire comme aujourd’hui les professeurs de sixième pallient aux déficiences du système primaire.

Et bien évidemment, il y aura ceux qui n’auront pas suivi le cursus officiel, ou du moins pas seulement, et qui seront admis dans des écoles qui exigeront des examens ou des concours d’entrée hors de portée du bas peuple lobotomisé. Alors vous serez arrivés à vos fins, plusieurs siècles en arrière. Votre progéniture et celle de vos adversaires politiques, sur un pied d’égalité, poursuivront le combat sous l’oeil hagard et totalement déconnecté du bon peuple que vous continuerez d’amuser en lui servant toujours plus de dépravation et d’exhibitionnisme sous le label méprisant de «culture populaire».

La suppression du baccalauréat n’est qu’une étape dans le processus déjà bien avancé de destruction de l’enseignement public. S’y opposer et exiger au contraire son renforcement est un combat sociétal de même nature que celui de la famille.